Créé par la loi Pacte de 2019, le Plan d’Épargne Retraite (PER) s’est imposé comme l’un des piliers de la préparation financière des Français. Mais un amendement au projet de loi de finances 2026 pourrait profondément modifier son fonctionnement : il rendrait obligatoire la liquidation du PER dès le départ à la retraite, mettant fin à la liberté actuelle des épargnants de conserver ou d’alimenter leur plan après cet âge. Une mesure jugée « brutale » par de nombreux conseillers et investisseurs.
Un changement de philosophie
Jusqu’ici, rien n’obligeait les titulaires à clôturer leur PER une fois la retraite atteinte. Beaucoup choisissaient d’y laisser fructifier leur capital, profitant d’une fiscalité avantageuse : déduction des versements de leur revenu imposable et cadre successoral allégé en cas de décès.
L’amendement adopté le 20 octobre par la Commission des finances de l’Assemblée nationale, à l’initiative de députés socialistes, viendrait bouleverser cette souplesse. Le texte prévoit que tout PER devra être liquidé à l’âge légal de départ à la retraite. L’objectif affiché : mettre fin à la pratique de certains épargnants consistant à conserver leur plan jusqu’à leur décès afin d’éviter toute imposition sur les revenus non perçus.
Le fisc à la recherche de nouvelles recettes
Derrière cette mesure, l’enjeu est avant tout budgétaire. En cas de décès avant le dénouement du contrat, ni le titulaire ni ses héritiers n’étaient jusqu’à présent imposés sur les sommes accumulées. Pour l’État, cela représentait un manque à gagner estimé à près de 200 millions d’euros par an.
En rendant la liquidation obligatoire, le gouvernement espère réintégrer ces flux dans l’assiette fiscale : les retraits en capital ou en rente seraient alors soumis à l’impôt sur le revenu, comme pour tout autre revenu de retraite.
Mais cette logique purement comptable inquiète les professionnels du patrimoine : « Forcer un épargnant à retirer son capital à un moment où il n’en a pas besoin n’a aucun sens économique », confie un conseiller en gestion de patrimoine. Beaucoup redoutent un effet contreproductif, poussant les épargnants à renoncer au PER au profit d’autres produits plus souples.
Des effets collatéraux sur la transmission
Le risque est aussi patrimonial. En obligeant les titulaires à liquider leur plan, la réforme limiterait les stratégies de transmission avantageuses. Aujourd’hui, un PER assurantiel permet aux bénéficiaires de profiter d’une exonération de droits de succession jusqu’à 152 500 euros par bénéficiaire pour les versements effectués avant 70 ans.
 
Ce régime resterait inchangé pour les contrats encore ouverts, mais la liquidation imposée à la retraite rendrait cette transmission beaucoup plus rare.
Les PER dits bancaires, eux, resteraient soumis au droit successoral classique, sans exonération spécifique. En clair, la réforme renforcerait encore la différence de traitement entre PER assurantiels et bancaires, au détriment de la souplesse du dispositif initial.
D’autres ajustements à venir
Dans le même temps, un autre amendement, porté par les députés LIOT et Horizons & Indépendants, cherche à rendre le PER un peu plus attractif. Il propose de prolonger de trois à cinq ans la période durant laquelle un épargnant peut reporter ses plafonds de déduction fiscale non utilisés. Une mesure technique, mais qui pourrait permettre à ceux qui investissent de façon irrégulière d’optimiser leur avantage fiscal sur une plus longue période.
Un produit en perte de liberté
Si ces propositions sont confirmées dans la version finale du Budget 2026, le PER perdrait une partie de ce qui faisait sa force : sa flexibilité. Conçu comme un outil de long terme modulable et transmissible, il risquerait de devenir un produit rigide, contraignant les épargnants à solder leur épargne au moment même où ils pourraient encore la faire fructifier ou la transmettre efficacement.
En résumé, la philosophie du PER, un produit volontaire, incitatif et patrimonial, se verrait remplacée par une logique fiscale. Les détenteurs devront sans doute repenser leur stratégie d’épargne, voire diversifier vers d’autres solutions comme l’assurance-vie, les SCPI ou le PEA, pour conserver un cadre fiscal et successoral plus souple.
L’ÉDITO DE SULI FINANCES